lundi 2 juin 2014

« Tu réussiras mieux que moi.»

Et voilà que le célèbre pédopsychiatre Marcel Rufo en a assez des parents qui angoissent leurs enfants en les sommant d'être meilleur qu'eux, de réussir où eux-mêmes ont échoué, finalement. C'est tout un contrat. Encore de la projection qui risque de faire mal et, surtout, risque d'entraîner l'effet contraire.

Selon lui, les parents vivent personnellement et dramatiquement les difficultés scolaires de leurs enfants. Autant que devant le succès de leur progéniture, ils veulent récolter les honneurs aussi. Bref, chaque fois qu'un enfant fait quelque chose - bon ou mauvais - ses parents se sentent concernés. Ce n'est pas ouvrir la porte, pour le jeune, à ensuite responsabiliser ses parents pour tout ce qui lui arrive? Évidemment, en particulier, toutes les futures difficultés... Ce sera facile: ce sera la faute de parents...  Il me semble que c'est une pente dangereuse.

Est-ce vraiment montrer aux enfants comment aborder le monde? Parce que, faut-il le rappeler, après l'école, il y aura le monde du travail et là, les parents n'y seront plus. Ou du moins, ne devraient plus.

Il y a un overparenting scolaire dans notre société. On ne veut qu'il fasse juste bien. On veut qu'il fasse mieux. Parce que sa réussite redore le rôle qu'on a eu auprès de lui et notre propre "réussite" parentale. On n'a qu'à penser aux projets scolaires des enfants faits par bien des parents. Et il ne faut pas oublier aussi cette foutue tendance à se projeter sur nos enfants. C'est presqu'inévitable, mais aussi contrôlable. On ne doit surtout pas leur transmettre le stress de notre propre angoisse pas plus qu'il faut les restreindre dans les limites de nos propres désirs. Nos rêves ne sont pas toujours en symbiose et les "surprises" peuvent être assez incroyables. 

Finalement, Marcel Rufo fait une excellente distinction. Dites-vous à vos enfants «Je suis fière de toi» ou «Tu peux être fier de toi» ? Selon lui, la première remarque est dominatrice. Elle sous-entend que l'enfant a rempli le contrat demandé par ses parents et qu'il est conforme à ce que ceux-ci espérait. La deuxième remarque est, quant à lui, insuffisante. Mais, on s'entend, elle exclue l'implication parentale. On se distancie et remet l'entière responsabilité de leur fierté sur ce qu'ils ont réalisé. J'aime bien cette formule. Marcel Rufo suggère «Tu es notre fierté» qui, selon lui, met l'enfant sur un piédestal et abaisse le rôle du parent. Personnellement, je la trouve un peu pompeuse, comme si l'enfant était un trophée. Je ne dois rien comprendre à la pédopsychiatrie.

Mais de cet article, je saisis l'essentiel (je crois bien!). Il faut arrêter de se fier qu'au bulletin de notre enfant. Un 95% ne fait pas en sorte qu'un enfant aime l'école et y est épanoui. J'ai rencontré des élèves de cinquième secondaire la semaine passée et je les ai totalement déstabilisées. Je leur ai dit que les notes, c'était bien, mais que leur implication dans la vie étudiante, leurs passions, tout le parascolaire, leur débrouillardise à jongler avec plusieurs activités dans leur vie, le sport, le bénévolat et leur emploi étudiant seront tout aussi importants. Une note, à la limite, c'est facile. Si tu ne fais qu'étudier, faire des exercices et lire dans la vie, oui tu peux avoir de bonnes notes. Des excellentes, même! Mais c'est pas ça la vraie vie. Il doit y avoir plein de choses autour. Des amis, des passions, des motivations, de l'implication, de l'autonomie, de la débrouillardise, de l'intelligence sociale, etc. Et ça, ça ne s'apprend pas dans des livres. Ça s'apprend dans la vie. Un candidat pour un emploi avec un CV bourré de récompenses académiques et des notes au top qui n'a jamais travaillé, jamais fait partie d'un comité quelconque, d'un ensemble musical ou d'une équipe sportive ne fera pas le poids devant un candidat avec des notes honnêtes, mais un portfolio de réalisations personnelles impressionnantes. Une fois un diplôme obtenu, aucun employeur veut voir les notes du bulletin. Je pense qu'on est en train de virer fou avec ça. Je ne veux pas cultiver la médiocrité et la loi du moindre effort, mais il ne faut pas virer complètement fou non plus. Surtout au primaire! Quand parle-t-on de ses notes au primaire une fois adulte?

Puisque le secondaire approche ici, je répète souvent à MissPuDeLulus que c'est justement toutes les activités parascolaires auxquelles j'ai participé qui ont fait que j'ai autant aimé l'école. Et je suis certaine que parce que j'étais bien à l'école et que j'étais impliquée, ça se reflétait aussi sur mes résultats académiques. Parce que quand on est heureux, tout est plus facile.

10 commentaires:

Anonyme a dit…

Sans compter qu’une note témoigne de la réponse à une attente dans un contexte x. Ce n’est pas nécessairement le gage d’une tête bien faite.

Anonyme a dit…

Oui... et non. Les notes demeurent importantes pour l'admission au Cegep et/ou a l'université. Il y a une marge entre exiger la quasi perfection sur le plan scolaire et viser l'excellence. Personnellement, je crois qu'il est important de valoriser la réussite scolaire et d'encourager nos enfants à étudier et à lire. Pensez ce que vous voulez, mais en bout de ligne, les "bonnes notes" ouvrent toutes les portes, et aucun changement drastique n'est à prévoir à ce sujet.

Il demeure toutefois important de leur apprendre que la vie ne se résume pas au bulletin; que l'école de la vie est également importante.

Anonyme a dit…

Je pense que ce monsieur a raison sur bien des points, mais qu'il ne faut pas virer fou avec les mots. Les mots sont interprétés de bien des façons selon le contexte et la personne qui les dit. "Face de pet" pourrait sembler être un insulte, un surnom méprisant... pourtant quand mon père m'appelait comme ça, c'était pratiquement un mot d'amour... j'y sentais beaucoup de fièrté, d'amour et d'humour. Je dis souvent à mes filles que je suis fière d'elles. Je ne pense pas que ce soit dominateur... Je le dis pour leur bons coups... une réussite scolaire, avoir mis la table sans que je le demande, avoir pris soins d'un autre, avoir été raisonnable dans une situation où j'aurais pu m'attendre à une crise. Oui, souvent c'est une façon de dire qu'ils ont eu le comportement que je souhaitais... C'est un peu beaucoup ça, éduquer, non? Renforcer les comportements positifs... me semble que c'est la base. Tu as fait ton lit sans que j'aie à te le rappeler? Bravo! Je suis fière de toi. Tu as offert le dernier biscuit à ta soeur? Wow! Je suis super fière de toi! C'est très gentil de ta part! Mais attention... souvent, c'est l'effort qu'on félicite bien plus encore que le résultat. Surtout à l'école et dans les sports. La persévérance, la patience aussi... s'appliquer au lieu de faire "vite", se poser les bonnes questions... Ne pas se comparer aux autres, mais toujours faire de son mieux.

Pour ce qui est des parents qui s'approprient les réussites de leurs enfants... personnellement je trouve ça assez pathétique. Et j'en vois beaucoup. Des "ON a étudié jusqu'à 3am pour cet examen" et des "On a travaillé toute la fin de semaine sur ce projet"... j'ai même dernièrement entendu un "ON a un livre de 300 pages à lire cette semaine". Get a life. Ton flo a un livre de 300 pages à lire. Toi tu as la job de t'assurer qu'il le fasse au lieu de passer ses soirée sur FB. Tiens, profites en donc pour te prendre un bon livre toi aussi...

Tiens... ça me rappelle les cours prénataux et ces hommes qui disaient "on est dus pour le mois de mars", "on a l'intention d'allaiter", "on aimerait accoucher de façon naturelle"... À chaque fois je voulais me péter la tête dans les murs!!!!! Tu n'es pas enceinte, MAN. Ta blonde est enceinte. Toi ta job c'est d'être un HOMME et de l'accompagner là dedans en tant qu'HOMME. Pas d'accoucher à sa place. Pas d'allaiter à sa place. Chacun son métier et les vaches seront bien gardées. Idem pour les enfants. Faisons notre job de parent, comme du monde, et laissons nos enfants faire leur "job" d'enfant... apprendre et découvrir et s'épanouir. Voilà.

Anonyme a dit…

À anonyme de 8:25... les bonnes notes du primaire n'ouvrent pas beaucoup de portes. À part peut-être celle d'une école secondaire privée. Les bonnes notes du secondaires n'ouvrent pas grand portes non plus... il faut une moyenne acceptable pour entrer en science naturelle et aucune université ne te demandera les notes du secondaire pour ton admission...

C'est au cégep que les notes commmencent à avoir de l'importance... si tu vises un programme contingenté à l'université.

Et à l'université les notes on beaucoup d'importance si tu vises la maîtrise et le doctorat... à peu près aucune une fois rendu sur le marché du travail.

J'engage souvent des stagiaires et je me méfie des élèves A+ qui n'ont jamais travaillé... par expérience; j'en ai eu qui étaient pratiquement des handicapés sociaux... aucune débrouillardise, aucune autonomie, aucune initiative. Il y a de très bons élèves A+, mais ils ont tous autre chose sur leur cv... activités parascolaire, job d'été, etc.

Une fois le diplôme obtenu, rares sont les employeurs qui vont se soucier de ta moyenne académique. Par contre, des projets académiques, des stages, ça ça compte!

Anonyme a dit…

à anonyme 8:50

Evidemment les notes du primaire et du secondaire ne sont pas importantes pour l'entrée à l"université. Toutefois, afin d'obtenir de bons résultats au Cegep et à l'université, il faut avoir développé une certaine rigueur de travail. Cette rigueur sera également utile plus tard, sur le marché du travail. Évidemment, la débrouillardise, l'initiative, le leadership etc. ne transparait pas sur le bulletin et ne s'apprend pas nécessairement dans les cours de français. Il faut aider nos enfants à developper un maximum d'habiletés, de toutes sortes, selon leurs interêts.

Anonyme a dit…

Merci anonyme de 9:17! Tellement d'accord que même si on ne se fait effectivement pas demander nos notes de primaire et de secondaire, il faut avoir appris à travailler quelque part! Et même s'il y a des matières dont on ne reparlera plus, celles qui progressent doivent avoir été commencées avec une bonne base. Et ça s'applique aussi aux élèves qui ont des A+ sans travailler: un jour ils devront apprendre à travailler, et ça fessera plus que s'ils y avaient toujours été habitués.

Encore une fois, je dirais allons-y pour la question d'équilibre... des bonnes notes? Aussi bonnes qu'on peut en travaillant pour. Sérieusement, c'est peut-être plate faire ses travaux le soir, mais c'est plate aussi ne pas pouvoir faire la job de ses rêves parce qu'on n'atteint pas la moyenne d'admission. En contrepartie, on ne vire pas fou si on n'a pas 97% partout non plus...

Et idem pour l'à côté. C'est effectivement super important de faire autre chose, comme du sport, des activités culturelles, du bénévolat, une job moche au bas de l'échelle, etc. Mais pas non plus au point d'en prendre qu'on n'aime pas juste pour pouvoir paraître bien (sauf peut-être la job moche, elle donnera tellement le goût de se forcer pour trouver mieux!), ni au point de se submerger. Ni au point de nous nuire en autre chose.

Savoir faire des choix et avoir des priorités, c'est aussi une bonne qualité. D'ailleurs, vers la toute fin du secondaire, on nous avait dit à l'école que ceux qui avaient un petit travail avaient en moyenne de meilleures notes que ceux qui n'en avaient pas, ou que ceux qui travaillaient beaucoup d'heures.

Anonyme a dit…

Très intéressant billet. Ici, avec un grand en secondaire 4, ce que j'essaie de mettre de l'avant, c'est l'effort: Si tu travailles à la hauteur de tes capacités, si tu es fier (justement) de l'effort fourni, alors la note, quelle qu'elle soit, sera valable. Quant à l'appréciation et la fierté, c'est sous forme de question : "Est-ce que tu es fier de toi ?" Si ça réponse est positive, généralement je renforce avec un "T'as raison ! Moi aussi j'suis fière de toi" Si sa réponse est négative, je lui demande pourquoi et j'essaie de lui faire voir s,il y a des éléments dont il peut tout de même tirer de la fierté. Mon idée, c'est que tout ça lui appartient : fierté, notes, expérience, amitiés, etc. C'est à lui à balancer adéquatement et à apprendre à doser l'effort pour atteindre ses objectifs. Pas mes objectifs. Et il s'en tire vraiment bien !

Anonyme a dit…

Et bien moi je suis triste. Je n'ai jamais mis de pression sur les résultats scolaires. J'ai encouragé, mais sans plus. Une note dans la moyenne au primaire, je trouvais ça correct, tant qu'il est heureux à l'école. Sauf que là, en 5e année, les notes ont dramatiquement chuté. Et je suis triste parce que je dois faire mon deuil de l'école (privé) que nous voulions (nous les parents, mais aussi lui, l'enfant). Peut-être aurais-je dû être plus exigeante... J'ai tellement l'impression d'avoir manqué quelque chose, d'être vraiment poche comme parent...

Anonyme a dit…

Ben voyons donc, il faut pas dire ça! « j'ai l'impression d'être vraiment poche comme parent », si tu te sens comme ça, c'est sûr que ton enfant s'en rend compte, imagines-tu la pression qu'il doit ressentir? À quel point il doit se sentir comme un échec? Moi je dis: on dédramatise, on relaxe pendant l'été, on profite des vacances en famille, puis on se retrousse les manches en équipe l'an prochain, on essaie de rendre ça positif. Ses notes ont chuté, peut-être a-t-il besoin d'une aide ponctuelle et temporaire (voir le billet sur les écoles finlandaises publié il y a quelques semaines)? Moi, je suis neuropsy pour les enfants, et je te dis qu'on peut dénouer pas mal de difficultés scolaires en ciblant les bonnes choses. Bonne chance avec ton ti-loup, j'espère que vous n'allez pas vous laisser abattre par cette situation!

Anonyme a dit…

En tous cas, j'aimerais déjà que les élèves puissent sortir de l'école en écrivant et en parlant un français acceptable. Et quand je lis certains commentaires, articles, discours, courriels, j'en tombe souvent en bas de ma chaise! Savoir s'exprimer et bien écrire, selon moi, ça fait partie de la base d'une éducation réussie. Malheureusement on ne met plus vraiment l'emphase là-dessus. Tu écris et tu parles tout croche, mais tu es débrouillard alors c'est pas grave...et bien si, c'est grave. La communication, c'est une compétence transversale.