mercredi 9 avril 2014

Le Québec malade de ses enfants

En 1991, le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec a publié un rapport nommé Un Québec fou de ses enfants.

J'avais 14 ans. Le titre m'avait interpellée. Ce rapport - que je n'ai pas lu! - traitait des problèmes vécus par les jeunes et proposait des recommandations pour prévenir leur apparition ou diminuer leur ampleur. Un truc plein de promesses, quoi?

Je ne peux pas mettre le doigt sur le moment où j'ai su que je voulais des enfants. Pour moi, ça allait de soi. Bref, ce titre, je ne l'ai jamais oublié. Je le trouvais plein de promesses et d'espoirs, même. Tant mieux, je ne suis pas la seule. En effet, ce rapport a aidé à la mise en place de diverses politiques familiales dont j'ai sûrement profité directement et indirectement...

Un Québec fou de ses enfants. Avouez que c'est inspirant! C'est gros! Un Québec qui aime ses enfants. Des parents qui font la même chose.

Une belle utopie...

J'ai grandi. Je remarque. Je constate aussi.

Ces temps-ci, j'ai plutôt l'impression que le titre d'un rapport sur les enfants au Québec serait plutôt  Un Québec malade de ses enfants.

Et voilà que je tombe sur l'article Des médecins dépassés par l'enfance dans L'Actualité où on annonce clairement en ouverture « Les diagnostics de maladies mentales explosent chez les enfants. Pourtant, ils ne sont pas plus malades qu’avant, assurent les spécialistes.» C'est là, en terminant l'article que j'ai repensé au vieux rapport aperçu sur une tablette de la bibliothèque. Quoi? Les parents cherchent à étiqueter leurs enfants, à les médicamenter, à trouver une explication médicale (génétique?) à leurs agissements, etc. J'ai sursauté. J'ai été secouée aussi. (Lisez-le!)
Entre autres, j'ai appris que les enfants n'étaient pas plus malades qu'avant. Le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM) a tellement élargi les critères diagnostiques de certaines maladies que les limites sont devenues floues. Pas pour mal faire! Bien sûr, on dépiste mieux les maladies et les soins appropriés peuvent être apportés aux petits, mais comme dans n'importe quoi, il y a de l'exagération.


Les spécialistes craignent l'inflation des diagnostics. La nouvelle maladie à faire son apparition dans le DSM-5 sera le disruptive mood dysregulation disorder (trouble de dérégulation dit d’humeur explosive).  « Il pourra être diagnostiqué chez un enfant qui présente une irritabilité et fait plus de trois grosses colères par semaine pendant plus d’un an.», apprend-on. Mais un psychiatre américain est sceptique et très critique: « Avec le disruptive mood dysregulation disorder, n’importe quel enfant qui fait de banales colères infantiles pourrait se retrouver avec un diagnostic de maladie mentale », s’inquiète-t-il.

Bref, le Québec n'échappe pas à la vague. Les diagnostics se multiplient. Chez les enfants comme chez les adultes. Et tout le monde trouve ça normal?

Oh peut-être que nous sommes tous devenus intolérants à la différence et la turbulence, avance-t-on dans L'Actualité, mais il y a aussi notre foutue propension à vouloir expliquer les choses, trouver LA raison qui explique la moindre différence ou la moindre difficulté et à jeter le blâme sur quelque chose au lieu d'assumer un état de fait... Est-ce qu'on prescrit trop de pilules pour engourdir une situation qui nous dépasse? Suis-je la seule à croire que l'inflation des cas et des diagnostics est un peu louche. Je ne nie aucunement que de réels cas existent, mais y en auraient-ils des «faux»? Est-ce qu'on est rendu là? 

En fait, le débat de l'inquiétante montée des cas de TDAH ne date pas d'hier. François Cardinal, en 2011 sur son blogue Perdus sans la nature, se posait la même question que moi aujourd'hui: Trop de Ritalin? Trop de diagnostics de TDAH? Trop d'erreurs?

La réponse, je ne la connais pas. Je me questionne simplement. On jase, là, faut-il le rappeler?

Puis, voilà qu'une amie avec qui j'ai discuté de tout ça m'envoie un truc qu'elle a vu passer sur Facebook:


  


5 commentaires:

Anonyme a dit…

Moi je ne crois pas qu'il soit anormal de mettre des noms, ca permet de cerner le problème et de mieux le comparer. Ce n'est pas forcément une maladie, puisque dans le cas cité, on dit un trouble, on pourrait dire un syndrome etc... Ce qui compte c'est ce qu'on en fait ensuite...
Par exemple, un de mes enfant sur les 3 (et un seul) semble souffrir d'un disruptive mood dysregulation disorder ou autre... Peu m'importe qu'on aurait appelé ça un enfant colérique, hypersensible ou autre, son comportement est parfois si extreme qu'il compromet la dynamique familiale au complet, et surtout le rend malheureux lui même. C'est comme ça depuis qu'il est né, et ca semble indépendant de toute volonté, on dirait que c'est un trouble physique. Le fait est que oui en tant que parent on se sent donc dépassés, donc oui nous avons consulté un psy, et non ce n'était pas dans l'espoir d'avoir un quelconque médicament miracle, simplement pour trouver des façons de l'aider à se gérer...
Dire que puisque ça a un nom on donne un traitement chimique, je ne suis pas d'accord. Mais par contre le fait d'identifier un ensemble de caractéristiques communes peut permettre de mieux le comparer à d'autres cas semblables et donc d'utiliser des approches qui semblent avoir le mieux fonctionné pour ces cas... Voilà à quoi ca sert selon moi de mettre un nom et oui ça peut etre tres utile...
Mais l'association rapide "nom" = maladie = médicament, ça non!

Anonyme a dit…

Comme enseignante au primaire, je trouve bien dommage que lorsque je recommande à des parents de faire évaluer leur enfant (ou de simplement en discuter avec le pédiatre), je me fais immédiatement répondre qu'ils ne veulent pas de médication. Mon but n'est pas de donner une petite pilule à leur enfant, mais bien de lui donner des moyens, des outils. Suite à une évaluation, le rapport en contient plusieurs et je peux ainsi mieux adapter mes interventions. La médication est essentielle dans certains cas, mais c'est loin d'être la seule solution.

Anonyme a dit…

En réponse à l'enseignante anonyme...
Vous voyez, j'adore votre façon de penser. J'ai 2 enfants qui semblent avoir un TDA... Mais au contraire, moi, qui demandait une évaluation afin de mieux les aider à la maison et à l'école, je me suis fait répondre que ça ne "servait pas à grand chose" si je n'avais pas l'intention de les médicamenter. Ça m'a un peu choqué! Je comprends que les ressources sont limitées dans les écoles mais on se posera la question sur la médicamentation quand nous saurons ce qu'ils ont et surtout, après avoir tenté d'autres adaptations... La médication est une bonne chose quand c'est nécessaire mais ça ne doit pas être l'unique solution.
Ceci dit, je trouve que les gens acceptent mal la différence. Comme si tous les enfants devaient entrer dans un moule. C'est justement cette différence chez les enfants qui fera les adultes de demain... un lunatique deviendra peut-être un adulte créatif, un enfant solitaire deviendra peut-être un programmeur performant, etc... Je pense qu'il est important de mettre le doigt sur les difficultés des enfants afin de mieux les aider mais je trouve dangereux de vouloir les faire tous entrer dans le même moule...

ganesh46 a dit…

ici en France, on se tourne plus vers une thérapie (psychomotricité, psychopédagie, psychologue etc...) que vers des médicaments. il est très rare que les enfants soient médicamentés (même pas un par école je pense) - c'est assez tabou.
pour nous ça veut dire : la solution de facilité et shooter nos enfants au lieu d'essayer de comprendre ce qui ne va pas...(perso je le ferai pas...même si mon fils est difficile et souvent colérique - mais grâce aux différents "psy+...." il se trouve plus apaisé.
en revanche contrairement aux médicaments c'est un travail de longue haleine et pas la solution de facilité.

Angélique a dit…

Mon problème à moi c'est que je les comprends d'être ''malades'' et idéalement je ne les médicamenterai pas mais bon, j'ai moi même besoin de médicaments pour supporter la vie dans une société qui me semble pas mal plus malade que mes enfants 9963ou moi, mais bon, on est heureuse et on prend la vie une journée à la fois, c'est un des meilleurs remède que j'ai trouvé...