lundi 23 septembre 2013

85%? C'est pas assez! (et la folie des écoles secondaires!)

À la rencontre de parents dans la classe de MissLulus, j'ai eu envie d'aller faire un câlin à son professeur. Drette là au milieu de la rencontre. Au moment où elle disait, avec insistance, aux parents d'arrêter de capoter avec les notes de leurs enfants. Que ce n'était pas normal qu'elle gère des enfants qui pleuraient parce qu'ils avaient 80 ou 85%. Que ça n'avait pas d'allure. Elle a dit «Je sais que VOUS êtes énervés parce que VOUS voulez qu'ils aillent au privé l'an prochain....». Elle a longuement insisté sur les «vous» dans sa phrase en soutenant du regard la trentaine de parents présents.

J'ai eu envie de crier «merci».

Bien sûr que c'est important, l'école. Je suis vraiment la première à le dire et à en parler à mes enfants. Je suis la première fatiguante à les reprendre ou à souligner leurs fautes. Je suis la première à encourager l'effort et tout. Mais la vie, c'est important aussi. Et il ne faut pas capoter. Ils sont au primaire. En 5e année. Et là, on leur met de la pression pour l'entrée au secondaire. On leur fait miroiter plein de programmes spéciaux et on se met à penser que si on ne fait pas le bon choix, leur vie totale va être scrap!

Parce que les parents ne carburent qu'aux notes et aux bulletins, sa professeur a pris soin de copier une citation de Stéphane Laporte au tableau: «Un bulletin, ce n'est pas seulement une façon de nous évaluer. Un bulletin, c'est aussi une façon de nous apprendre à nous assumer.» Elle nous a averti qu'elle faisait des dictées et des travaux, mais que pour le moment, elle ne les faisait pas signer par les parents pour ne pas que les enfants passent le weekend dans sa chambre à étudier (elle a spécifié qu'elle blaguait... mais on a senti que c'était à peine!).

Vraiment, j'ai eu l'impression (joyeuse!) qu'elle a calmé les parents pour qu'ils arrêtent de stresser leurs enfants avec leurs notes si importantes en 5e année pour "choisir" leur école secondaire. Ça m'a sonné une cloche. En lisant le dernier Châtelaine, dans l'article «Pourquoi les parents fuient l'école publique?», trois phrases m'ont fait capoter. Une mère admet avoir talonné son enfant toute l'année pour qu'il maintienne une moyenne d'au moins 75%... assez pour que «son pédiatre la sermonne au sujet de la pression qu'on met sur les enfants». Un peu plus loin, on apprend qu'elle a inscrit son fils à 5 séances de préparation aux tests d'admission, le samedi matin (!). Puis, le chat sort du sac à la toute fin de l'article. «Je voudrais qu'il réussisse là où j'ai échoué». Ahhhhhhhhhhh! C'est ça!

En tant que parents, on est en train de pousser peut-être trop nos enfants pour compenser un manque personnel. On les force à avoir de super notes en les enrôlant rapidement dans un engrenage de stress et de pression de performance. On le fait avec les meilleures intentions du monde, mais je pense qu'on a besoin de professeurs comme celle de MissLulus pour nous brasser un peu.

Ici, dans le grand Longueuil, il y a toute une bataille qui se joue entre les écoles privées et les écoles publiques qui offrent désormais une foule de programmes spécialisés spéciaux. Aux portes du gymnase durant la rencontre, des écoles avaient leur table pour nous expliquer leurs programmes. On aurait dit une foire... On a des soirs de visites des écoles et des rencontres d'information. C'est complètement fou! Je comprends qu'il faut bien choisir, mais faut aussi se calmer. Au secondaire, il n'y pas beaucoup de cours "spéciaux" ou à réelle option, le programme avec les matières obligatoires est déjà chargé. Mais on leur fait croire qu'ils choisissent déjà leur voie. Ce n'est pas parce que tu prends l'option «concentration théâtre» ou «musique» que tu ne feras des maths, du français, de la bio. On oublie de leur dire ça aussi! Des fois, je suis en train de me demander si on est en train de faire des demandes d'admission à l'université. Même pour le cégep, je ne me rappelle pas que ça a été aussi fou! MissLulus a 10 ans! Je ne savais même pas ce que je voulais vraiment faire à 18 ans après mon cégep et mes expériences de travail. MissLulus a 10 ans et on lui demande de choisir!

Encore dans sa classe, le vendredi après-midi, ils font une plénière de discussion sur les sujets qui les touchent. Le sujet qui revient le plus souvent? Le secondaire. Ça les stresse vraiment. C'est moi où ça ne devrait pas être une source d'anxiété pour eux? C'est juste une suite logique. C'est pas "si gros" que ça! On veut qu'ils réussissent à l'école ou on veut qu'ils aiment l'école? Les deux, bien sûr. Mais il faut d'abord qu'ils aiment l'école pour réussir. Et trop les pousser peut les mener à tout simplement les écoeurer de l'école.

Vraiment, je refuse d'entrer dans cette folie. Je n'ai pas l'impression d'abandonner ma fille et de ne pas lui donner toutes les chances. Je lui ai dit plusieurs fois que c'est à elle de faire de son passage à l'école, une réussite et une super expérience. Au primaire comme au secondaire! Ce n'est pas l'école où tu es qui fait que tu vas aimer ça ou que tu vas avoir des bonnes notes. C'est ce que tu y fais, ce que tu y apprends. C'est comment tu t'y impliques. Comment tu la vis. Il faut leur rappeler ça aussi. Et surtout leur dire que les notes, c'est pas tout dans la vie! (et se rappeler à soi-même si on stresse trop!). On ne veut pas qu'ils virent fou en 5e année, quand même!


7 commentaires:

Anonyme a dit…

Lorsque nous habitons à Montréal, ce débat prend de l'ampleur. L'école secondaire de mon quartier se classe dernière, oui dernière au sein de sa commission scolaire. Il s'agit d'une école qui accueille tous les cas lourds, les filles-mères, les troubles d'apprentissage et de comportement, etc. La clientèle de cette école est fortement défavorisée.

Je ne suis pas défavorisée, loin de là, mais j'habite dans un quartier mixte, comme la plupart des quartiers montréalais.

Il est hors de question que mes enfants fréquentent cette école. On aura beau me dire que "ça ne veut rien dire", ce n'est pas vrai. Il est hors de question que les amis de mes enfants soit des futurs décrocheurs (8 jeunes sur 10 ne complètent pas leur secondaire à l'école publique de mon quartier). Il est hors de question que mes enfants perdent de leur intérêt envers l'école, perdent leur curiosité pcq "s'intéresser à l'école" c'est out, c'est loser, c'est geek, c'est bollé, bref c'est péjoratif. Je veux que mes enfants évoluent dans un milieu stimulant avec d'autes jeunes qui leur ressemblent minimalement.

Je comprend ses parents qui mettent de la pression. Je crois que leur attitude n'est peut-être pas adéquate, mais je les comprend. Quand nos choix se résument à une école peu recommendable ou le privé qui sélectionne, oui il est possible que certains parents se retrouvent à mettre un peu trop de pression sur leurs enfants. Ils veulent bien faire et je les comprend!

En banlieue, j'avoue que c'est différent. Les écoles publiques sont décentes, mais en ville, ouf. Tant mieux pour vous si votre école de quartier est une bonne école, vous êtes chanceuse, mais n'allez pas juger les autres qui n'ont pas cette opportunité. Aucun parent ne paie 5000$ par année de gaieté de coeur.

Ceci étant dit, j'ai fréquenté l'école publique, une école publique décente et oui il est vrai que de lever la main, de poser une question était mal vu. Il ne fallait surtout pas s'intéresser à ce que disait le professeur, sinon on se faisait niaiser... À l'université, force est d'admettre que les 3/4 des étudiants étaient issus de l'école privée; peu provenaient du public comme moi. Difficile de ne pas y voir un lien.

Anonyme a dit…

Et je pourrais dire le contraire. Je suis enseignant au public et tout se passe bien dans la majorité des écoles où j'ai travaillé. Dans la majorité des cas où les élèves échouaient, les parents étaient absents de l'éducation de leur jeune.

J'ai toujours été au public et réussi. La plupart des amis que j'avais qui allait au privé ont eu d'immenses difficultés au Cégep puisqu'ils avaient toujours été sur-encadrés au secondaire.

Et la réalité est que SI votre enfant va au privé et ne réussit pas, l'école vous montrera la porte et c'est tout. C'est pour cela que peu d'élèves échouent au privé, nous les recevons en cours d'année au public puisqu'ils ont été renvoyé de l'école.

Anonyme a dit…

J'ai fait deux ans au privé et j'ai transféré par choix au public, parce que je considérais que le bonheur était important. Je n'ai jamais regretté mon choix. Je ne comprends pas non plus en quoi l'école publique c'est la fin du monde. J'ai fait les cours enrichis et j'ai eu accès à tous les préalables imaginables pour le cégep. (sauf ma première année au public où j'ai été mise au régulier malgré mes notes. selon le directeur de toute évidence plus habitué à recevoir ceux qui se font jeter dehors pour atteinte à la réputation de l'école privée : "c'est pas parce qu'on arrive du privé qu'on est bons à l'école". on n'a même pas insisté vu qu'avant le secondaire 4, ça ne change pour ainsi dire rien). Comme le dit le billet, l'école c'est ce qu'on en fait.

Là où je riais un peu, c'est justement à l'université, quand une fille dans mes cours disait, très sérieusement, à moi et deux autres amies issues du public, "moi mes parents m'ont envoyée au privé pour bien me partir dans la vie". D'accord. Mais on est tout de même dans la même classe du même programme à l'université...

Anonyme a dit…

Je pense qu'on aiderait beaucoup mieux nos enfants si on se concentrait sur ce qu'ils apprennent plutôt que sur leurs notes. Au public comme au privé. Étudier pour avoir 90% est très différent de lire sur un sujet parce que ça nous intéresse, par curiosité et soif d'apprendre. Quand on a la curiosité, quand on s'interresse à tout, alors réussir à l'école devient beaucoup plus facile et les résultats suivent généralement.

Ceci dit, moi aussi je suis allée au public... j'ai très bien réussi dans la vie (à mon humble avis). Une bonne proportion de mes collègues de classe à l'université arrivaient aussi du public (je dirais au moins les 3/4). Oui, au secondaire, je passais pour une "bollée" quand je posais trop de question... mais je m'en foutais pas mal. Ne n'ai jamais été gênée de dire que j'aimais l'école et je ne me suis pas fait intimidé pour ça. Jamais. D'ailleurs j'étais loin, très très loin, d'être la seule élève motivée... Juste dans le club d'histoire de mon école, on était une trentaine (pis on avait du fun en maudit!).

Les notes... c'est juste des notes. Si tu sais étudier, tu peux avoir 95% dans un sujet sans y avoir rien compris. Je me souviens, en histoire, justement, on devait mettre les évènements en ordre chronologique. J'avais une copine qui était absolument incapable de le faire sans mettre les dates. Elle savait les dates par coeur, et pouvait s'en servir pour mettre les évènements dans l'ordre, mais sans les dates elle était incapable de faire le lien entre les évènements, de comprendre qu'un était la suite logique de l'autre, qu'il y avait un lien cause et conséquence. Alors qu'est-ce qui est le plus important? Mémoriser les dates? Ou comprendre ce qui s'est passé? Ok, les dates sont plus facile à évaluer pour le bulletin... et le bulletin permet d'aller à l'université... je comprends tout ça... mais dans la vie?

Anonyme a dit…

Moi aussi j'habite à Montréal, et je ne souhaite pas que mon enfant fréquente l'école secondaire du quartier. Je ne souhaite pas que mon enfant fréquente de futurs décrocheurs. Déjà qu'à l'école primaire, le prof doit niveler vers le bas en s'ajustant au niveau des enfants de sa classe qui pour une bonne portion proviennent de familles dont l'éducation n'est pas mise en valeur. Avec le résultat que les enfants qui vont bien et qui pourraient en faire plus n'ont justement pas le loisir d'en apprendre davantage (ce sont nous les parents qui devons compenser...). L'école du primaire du quartier est super pour détecter en maternelle, 1ere et 2e années les problèmes majeurs des enfants et avoir des spécialistes qui les secondent et les autres enfants n'en sont pas trop pénalisés. Mais à partir de la 3e année, il y a un nivellement vers le bas qui désavantage les enfants qui vont bien.Et je ne crois pas qu'au secondaire ça ira en s'améliorant, la majorité de la clientèle étant la même. Il y a sûrement des quartiers qui sont mieux, je suis moi-même allé à une école secondaire publique à Montréal (avec que des filles par surcroit et c'était super!)et dont la réputation était bonne, et l'est toujours aux dernières nouvelles. Et j'ai poursuivi à l'université sans problèmes. Mais dans mon quartier d'adoption c'est une autre manche!

ganesh46 a dit…

Ici en France il n'y a pas autant d'écoles privés que cela...par exemple le premier collège privé dans notre coin est a 40km (donc internat...). Les collèges et lycées publics ne sont pas toujours au top mais si les élèves sont de bons élèves cela ne changera rien fondamentalement à leur vie future. Les universités acceptent tous les élèves ayant réussi au BAC (exam de fin d'études secondaires). Puis au niveau 6eme les collèges n'offrent pas d'activités ou de matières différentes selon l'endroit et nous n'avons pas le choix du collège public, on doit s'inscrire dans son secteur.
en revanche il y a quelques lycées d'élite dans les grandes villes. Ma fille va tenter d'aller au lycée international de Toulouse l'an prochain - si ça marche tant mieux sinon pas grave...(c'est à 2h de route....et ça coûte 300 euros/mois pour la pension, scolarité gratuite car c'est public)
et il y a un examen à l'entrée...je suis partagée j'espère et je redoute qu'elle aille là! ;-)

Anonyme a dit…

Quand vous dites que le secondaire c'est pas si gros que ça, c'est vrai... mais juste quand on sait ce que la vie peut nous réserver. À 12 ans, j'étais très nerveuse d'entrer au secondaire. On passe du rang des plus vieux à celui des plus jeunes et des plus vulnérables et on le sait. C'est épeurant car c'est nouveau. Après 2-3 semaines c'est oublié mais reste que c'est pas toujours évident pour tout le monde l'entrée au secondaire! Il ne faut pas minimiser l'effet sur nos petits-futurs-grands!