vendredi 16 décembre 2016

Ce n'est pas péché de gâter les autres (et soi-même!)

«Vos enfants, ils ont tout! Vous les gâtez trop!»

Ah oui? 

Cette phrase (qu'on a trop souvent entendue) peut sonner mesquine et blessante. Mais bien franchement, elle ne nous dérange pas. Ou plus. Parce que c'est vrai. On gâte nos enfants. Volontairement et consciemment.

Oui, nos petits (Z)imparfaits (et les vôtres aussi probablement!) ont des iPod, une chambre remplie de livres, de jouets, des jeux, des figurines, des vêtements, des jeux vidéo, etc. (le tout étalé pêle-mêle directement sur le plancher ou en train de s'auto-déverser des tablettes du placard!). 

Ils ont voyagé, ils aiment les restos et les hôtels avec piscine. Ils ont vu des dizaines de spectacles et encore plus de films au cinéma. Et puis? Ça en fait des enfants «gâtés»? Peut-être. Mais vous savez quoi? On l'assume parce que faire ces activités avec eux ou leur acheter ces bébelles en cadeau (quoique... en y pensant bien plusieurs de leurs jeux, iPad mini ou giga kit de Lego, leur ampli de guitaire, ils les ont acheté avec leur argent de poche accumulé patiemment!), eh bien, on aime ça! Tout simplement!

En voyageant, en découvrant un nouveau resto ou en assistant à une pièce de théâtre ensemble, on se gâte tout autant. On ne le fait pas pour acheter la paix ni parce qu'on est incapable de dire «non» (on est excellentes, croyez-nous!) ou parce que les autres le font. Non! (on vous l'avait dit qu'on était capables, la preuve!). Si on le fait, c'est que ça nous rend heureux. Pendant plus d'un spectacle, on s'est surprises à observer davantage la réaction de nos enfants au lieu de s'attarder à ce qui se passait sur la scène. Les voir heureux, surpris ou émus, c'est beau à voir! Et on garde le tout dans notre banque à souvenirs (pour utilisation ultérieure quand ils ne voudront plus faire des trucs avec nous!) Être parent, c'est avoir le devoir d'alimenter la machine à souvenirs tous les jours en se sortant de la routine, en acceptant de «faire des folies», en accordant une faveur par ci, une permission spéciale par là, etc.

Et puis, on est bien mal placées pour montrer l'exemple de l'austérité. On se gâte nous aussi. À coup de chandail trop parfait (ou parfaitement inutile, mais trop beau!) chez Winners, de barre de chocolat achetée impulsivement en mettant de l'essence ou bien en s'éclipsant au spa un midi, en s'achetant un ordi plus puissant, etc. 

Plus encore, on aime ça aussi recevoir des cadeaux. Oui, oui! Ce n'est pas péché d'aimer s'offrir des cadeaux «à moi de moi» (même assez souvent!), de donner des cadeaux et d'en recevoir (le message est passé! On peut vous donner notre adresse!). Les «Ah! Tu n'aurais pas dû!», les «C'est beeeen trop!» et autres « C'était pas nécessaire, voyons!»: c'est du gnan gnan non assumé! Des phrases pleine de conventions sociales empoussiérées. Le réflexe de refuser des plaisirs. Des mauvaises habitudes. On n'embarque pas. Peut-être simplement parce qu'on a décidé de ne pas bouder les plaisirs. Et si se gâter et gâter les autres nous en procure, pourquoi on s'en priverait? 

Attention! Ne vous méprenez pas! La grosseur du plaisir, sa valeur monétaire et ce qu'il représente aux yeux des autres n'a aucune importance. Nous, on s'extasie et s'excite tout autant (peut-être plus!) devant une tasse rigolote à 1$ du Dollorama (bon, peut-être vendue à 2,25$ maintenant!) qui nous fera sourire chaque matin en prenant notre café qu'une bébelle technologique dernier cri. On carbure aux plaisirs, à ce qu'ils nous procurent, pas à ce qu'ils valent.

Bref, si être (trop) gâté, c'est de s'offrir des petits et gros bonheurs et en faire profiter ceux qu'on aime, alors on revendique le droit de l'être! 

Et puis (bon, on s'enflamme!), ce n'est pas d'être un enfant (ou un adulte, parce qu'on l'oublie, mais ils sont tout aussi insupportables que les petits!) gâté qui est le vrai problème! Ce sont les agissement narcissiques et superficiels qui en découlent qui sont inacceptables. Penser que ce qu'on possède est meilleur que ce que possède notre voisin; s'attendre à tout avoir en un claquement de doigts, sans efforts; s'imaginer que tout nous est dû; ne pas tolérer se faire dire non; ne pas ressentir (et encore moins exprimer) de gratitude; exhiber nos biens au vu et su de tous sans empathie; ne pas avoir envie de partager; ne penser qu'à soi (et jamais aux autres); compter; comparer, etc. C'est ça, le vrai problème.

Être gâté en étant capable de le reconnaître et de pouvoir se dire «Wow! C'est cool ce qui m'arrive!» ou «Eh qu'on est bien!», ça c'est profiter de la vie. Être gâté, c'est être tellement «plein» qu'on veut en faire profiter les autres. Et c'est tout le contraire que de se sentir constamment vide à un tel point qu'on ressente le besoin de se remplir encore et encore...



5 façons de gâter les autres
  • Offrir un cadeau juste comme ça, sans occasion spéciale.
  • Dire «oui» quand habituellement on dirait «non».
  • Se creuser la tête pour trouver LE bon cadeau qui va susciter un «Wow!» ou un «Yé!» sincère (et non acheter pour acheter!)
  • Offrir de son temps à quelqu’un.
  • Ne rien attendre en retour.



5 façons de se gâter 
  • Se donner congé d’une tâche qu’on déteste (pour toujours?) 
  • Sur un coup de tête, acheter une gugusse qui nous fait sourire. (sans éprouver une once de culpabilité même si c’est un truc superflu!) 
  • S’accorder du temps (une petite journée pédagogique juste pour soi?). 
  • (Se) dire «oui» quand habituellement on dirait «non». 
  • Prolonger un plaisir (un 5 à 7, un long détour au magasin, lire encore plus tard la nuit, etc.) 

Ce texte a d'abord été publié dans le défunt magazine Yoopa en décembre 2015. Mais le sujet nous apparait toujours aussi d'actualité. 

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